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Un jour la montagne s'est déplacée, Récits du silence, Magne Skaden, Les Impressions Nouvelles


Les 24 nouvelles qui composent "les récits du silence" m'ont donné le frisson et un peu déstabilisée car l'écriture de Magne Skaden est une écriture du dedans.
Magne Skaden d'origine norvégienne et de tradition Sami (qu'on appelait autrefois Lapon) est un jeune homme élevé aux contes de tradition orale mais des lésions cérébrales le privent de toute communication. Il entend et comprend mais ne peut ni parler ni écrire. C'est en 2005 qu'il écrit ses premiers mots impulsés par "une nécessité de vivre" : "je vivais dans un univers que la langue norvégienne n'a pas d'adjectif pour décrire. La langue se développe par rapport à ce que l'on doit décrire, et l'univers dans lequel je vivais, la langue ne l'avait jamais approché de près ou de loin .... je m'en rends bien compte maintenant".
Chaque mot a alors pour Magne Skaden une saveur nouvelle car il naît uniquement de ses sensations et de ses perceptions simplement par l'écoute et l'observation. Le mot est alors à l'envie analysé, joué, répété, inventé. "Je n'aimais pas tout ce qui traînait dans la rue et qui n'avait rien à y faire. J'entendis quelqu'un dire que ça s'appelait des détritus...Détritus était un mot qui avait bon goût, que j'aimais bien avoir sur la langue et qui me donnait une toute autre sensation que ce que je voyais traîner".
De même, " forêt ce n'était pas seulement deux syllabes, cela vous induisait tout autant en erreur que détritus".

Intelligemment, il explore des questions d'apparence naïve mais essentielles. Ces réflexions malheureusement nous ne nous les posons plus à force d'apprentissage d'une langue fonctionnelle plus que d'un enchantement inventif "Qui décidait du nom à donner aux choses ? Quelle qu'elle soit, cette personne n'avait en tout cas pas l'oreille pour le contenu des sons qui formaient un mot".
La traductrice Hélène Hervieu dans son excellente préface aide le lecteur à prendre contact avec l'écriture de l'auteur en soulignant "qu'il a passé avec la langue une sorte de contrat moral. Il la traite comme un matériau noble qu'on doit laisser vivre, et si contrainte il y a, elle doit se faire en douceur, presque d'un commun accord".
Dans un monde intérieur qu'il nous fait connaître à travers ses pérégrinations mentales traçées sur papier, Magne Skaden est très proche de la nature et de l'univers et pose là aussi des questions qui touchent à sa création, au sens de la vie et au devenir du monde et ce, dans sa quête perpetuelle de l'autre "moi", son double qu'il atteint par l'écriture.

Un magnifique récit parfois déroutant mais impregné d'une très grande force poétique et humaine, une autre façon de percevoir les mots de la vie !


Zakuro

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